ZHOM : JOURNAL DE VOYAGE

ZHOM

Journal de Voyage : Lac Violon, Laurentides
Premier et dernier volet

10 août.
J’arrivai donc aux confins du monde connu, les indigènes m’attendaient évidemment avec une brique et un fanal, étant données mes nobles origines montréalaises. Respectueux des traditions locales, j’acceptai poliment la brique, mais j’échangeai le fanal contre une lampe de poche (beaucoup plus pratique pour la cueillette nocturne de limaces gluantes dans les bosquets secrets.)

11 août
Après avoir déjeuner d’une omelette aux limaces gluantes, et après avoir fumé un morceau de la traditionnelle brique laurentienne, je m’en suis allé méditer sur le quai devant le lac, groggy, les yeux rivés au ciel. J’ai lu dans les étoiles des signes étranges, comme si le cosmos cherchait à me dire : « Un jour prochain, jeune pigiste, tu devras déduire à l’État la TPS et la TVQ de ton misérable salaire. N’attends pas. Fais-le. Fais-le! » J’ai pleuré un peu.

12 août
Furieux, à l’aube, des villageois armés de hallebardes sont venus récupérer la lampe de poche. Je ne pourrai donc plus ramasser les limaces gluantes à ma guise. Fort heureusement, un indigène généreux a accepté d’échanger une moitié de la brique ancestrale contre une portion de salami sec et quelques tranches de pain moisi.


J’ai vitement ingurgité un bol de limaces gluantes, fumé un peu de brique rustique, avant de partir à l’aventure. M’y baignant dans les eaux troubles du lac, j’ai croisé une truite adolescente égarée. Telle une sirène messagère issue des profondeurs marines, la truite providentielle m’a conseillé, par la seule force de son regard, de rembourser la TPS et la TVQ au plus crisse. J’ai pleuré un peu.


À la brunante, Lady m’a proposé de jouer aux échecs. La joute fut de courte durée. Échec et mat en 45 secondes. J’ai perdu, tête haute puisque, au fond de mon être, je m’en crissais comme le calice. Bon perdant, j’ai offert à ma tendre adversaire de partager ma dernière limace gluante sur un croûton de mon précieux pain.

13 août
Le villageois généreux, n’écoutant que son cœur de simple ouvrier et sachant mon indigence en ces lieux sauvages, m’a offert une autre brique et une lampe de poche en échange de mes lunettes. J’ai refusé l’offre avec délicatesse, lui lançant ce mot d’esprit parfaitement urbain : « Mes lunettes? Je regrette, manant, mais j’en ai besoin pour apercevoir. » Il n’a pas souri. Mais il m’a donné une douzaine de limaces gluantes et du pain moisi avant de fuir tel un paysan terrorisé par l’intelligence et le sens de la répartie propres aux gens de bonne éducation issus des métropoles.



Comments

Daniel Rondeau said…
Wow! C'est que dans ces régions, les jours semblent des semaines tant la péripétie n'attend pas l'autre!

J'y irais bien pour m'y sentir vivre tout comme toi, mais je viens de manger.
Kayou said…
C'est un lieu à la fois magnifique et terrfifiant. J'y ai vu ce que l'on appelait jadis des "étoiles."
Doparano said…
Dans ma campagne aussi on voit des étoiles, et elle filent en Août.

Pour ce qui est de la TPS TVQ, peut-être que le gouvernement va te laisser un sursis pour pouvoir t'appeller toute les semaines dans 3 ans. Comme pour les impots.
mdl said…
Je pleure un peu, et ça me donne des frissons au sachet.
Anonymous said…
y'a du jacquemort en toi.

l'arrache-limace
Anonymous said…
Un citadin à la campagne, ça sonne toujours «flyé» pour rien....
On mange plus de limaces depuis 1943 et on accueille les «tourines» avec un souper de bines gratiut !
dd1979 said…
Récit digne d'un livre dont vous êtes le héro avec quelques lignes de frisons de la nostalgie écrivaine "Fais-moi peur".

Très bon récit.. je me demande ce que j'en pense! Bref, moi aussi je pleure un peu surtout le jour ou les valeureux villageois ont enlevé ta lampe de poche... :(
Philémon said…
Tout ceci me rappelle à la fois l'Iliade, Jack Kerouac et Fort Boyard. N'oublie pas de laisser des petits cailloux derrière toi!

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