Les carnets du Loft
Oui, l’équipe du Jour des vidanges a appris l’existence d’une saison complète de Loft Story parfaitement inédite (2004.) Les enregistrements ont malheureusement disparu, sans doute démolis et brûlés par quelque technicien soumis aux ordres des bonzes de TQS. Ne reste de cette série jamais diffusée que ce précieux témoignage écrit d’un des locataires du Loft, le vibrant Olivier, lequel a laissé un journal intime. Olivier était apparemment le « fragile » et « l’intellectuel » du groupe. Il s’est fait renvoyé au bout de trois heures seulement, à coups de 2 par 4. Voici quelques extraits de ce journal.
Carnets du Loft
Par Olivier
-Solitude. J’étouffe. Goût de poussière dans la gorge. Mélange de honte, de colère et de peur. Il y avait un soleil, là-dehors. Oui, j’ai souvenance d’un astre luisant. Il y avait un ciel. Il y avait des rires. Il y avait des enfants. Il y avait la vie. Je suis enfermé dans ce nouvel enfer qu’est le Loft depuis au moins douze minutes déjà. Qu’en sera-t-il dans deux heures? J’ai mal à moi. Machiavel, viens à mon secours.
-Seul et délaissé, je me plonge dans la lecture de Machiavel. Il y est écrit cette formule qui m’interpelle profondément : « Quiconque désire quelque chose aimerait l’obtenir.» Je médite.
-Solitude, rejet. Rejet, solitude. Mon cœur est un désert immense. Mon âme, une planète morte. Et il y a du foie de veau au menu ce soir. Je tremble. J’ai froid.
-Attraction naturelle. Sandra s’éprend de moi. Magnétisme. Accotés sur le réfrigérateur, nous avons eu ensemble une courte conversation. Elle m’a confié : « Je serais peut-être intéressée à toi si tu étais quelqu’un d’autre. » À cela j’ai répondu spontanément, l’air intense « Je peux changer, Sandra, j’ai lu Machiavel. » Elle a répliqué du tac au tac « Il faudrait aussi que tu aies une autre face. » Amours complexes. Je garde espoir.
-Jean-Luc est un sportif, un rustre, un illettré. J’ai osé lui citer quelques aphorismes de Machiavel, il a répliqué, dubitatif : « Toi aussi tu connais Mike Harel? On a été au secondaire ensemble! Je ne savais pas qu’il était devenu écrivain de livres! » Depuis, je ne sais pourquoi, Jean-Luc m’a pris en affection. C’est insupportable. Chaque fois que j’émerge de la chambre, il me regarde, sourit et dit : « Toi, t’es un hostie de malade! » (Je crois que Jean-Luc a consommé une boisson alcoolisée.)
-Cœur léger. J’ai appris que Sandra s’intéressait comme moi à la littérature. Elle en est encore à des œuvres simples, telles que « Mon frère l’ours », « Adam le pigeon », « La petite pouliche » et le magazine « Dernière heure », œuvres par ailleurs richement illustrées. J’ai confiance de pouvoir la diriger lentement vers des lectures plus édifiantes, comme Harry Potter.
-Pour des raisons qui m’échappent et me blessent personnellement, les locataires ont décidé d’expulser Sandra hors du Loft sous prétexte qu’elle serait « une hostie de chienne » et « une crisse de conne. » Offusqué, j’ai pris devant tout le monde sa défense. J’ai dit : « Sandra n’est peut-être pas encore intellectuellement épanouie. Sandra n’est peut-être pas Nancy Huston. Mais Nancy Huston non plus ne peut pas se vanter d’être Sandra. Qui peut dire le contraire? » Puis j’ai cité Machiavel. Après un long silence gêné, Jean-Luc s’est mis à rire, me pointant du doigt et disant : « Toi, t’es un hostie de malade. » (Je crois qu’il a consommé par la suite une autre boisson alcoolisée.)
(Note : Après avoir tripoté Jean-Luc, Martin et Sylvain dans « la tente à cul », Sandra a finalement été épargnée, et c’est ce pauvre Olivier qui a été crissé dehors. Quelques jours après son évincement, Olivier est allé en Inde pendant deux semaines pour « se ressourcer spirituellement. » Il a attrapé une maladie inconnue en trempant son pénis dans le Gange. De retour à Sherbrooke, il s’est inscrit à l’université en Herméneutique communicationnelle et pratique aujourd’hui avec aisance l’art de faire chier le monde avec des hosties de mots rares.)
Comments
Si je connaissais une âme comme cela, je l'épouserais immédiatement...
Dire que je m'étais à peine remise de la mort de DENIS SAULNIER... Son nom de hante encore (DENIS SAULNIER, DENIS SAULNIER).
Olivier est un HÉROS.
;-)
Nous avons affaire ici à Maxime Membrive (dit Maxime «le bien Membrive»), étudiant en philosophie Belge (je me demande si ça existe, de la philosophie belge...), militant du parti Écolo de Waterloo (ça rime, en plus), à qui nous devons cette prose sublime:
«Où a disparu l'air pur des mornes plaines waterlootoises ? Le plaisir de sentir la terre dans l'intimité de la maison ? L'envie, après une longue journée de labeur, de se reposer dans l'herbe ?
Le foulard autour du cou, des jeunes se souviennent de ce temps où la boue entre leurs mains devenait le plus beau des châteaux, les animaux étaient leur radio et leur imagination le seul système.
Devons-nous renverser l'évolution de notre chère espèce ? Je ne pense pas. Devons-nous radicaliser le système de nos sociétés, dites développées ? Je ne pense pas. Mais, il est grand temps de responsabiliser chacun selon la place qu'il occupe dans cet immense écosystème. Tout un chacun a son rôle à jouer pour la plénitude des jours futurs. La responsabilité des uns dépend de la confiance des autres. Tâchons, selon notre position, de susciter cette confiance, de porter cette responsabilité qui nous est due et rappeler le sens de la citoyenneté.
Que la table ronde résonne des heures de discussion aboutissant par un commun accord à faire avancer la méiose de l'état embryonnaire de notre société.»
Sniif snifff, je suis émue.